Wen Jiabao en France

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Wen Jiabao en France

Visite d'état, du 4 au 7 décembre 2005

La venue en France, à la tête d'une importante délégation, de Wen Jiabao est la première étape d'une tournée européenne qui le conduira en Slovaquie, en Tchéquie et au Portugal avant de retourner en Asie pour assister, à Kuala Lumpur, au premier sommet de l'Asie de l'Est où il retrouvera, entre autres, son homologue japonais dans un contexte de relations difficiles.

Le Premier Ministre chinois succède en Europe au Président Hu Jintao qui s'était rendu en Grande Bretagne, en Allemagne et en Espagne dans la première quinzaine de novembre. Dans l'intervalle, le président américain s'était rendu à Pékin où il a parlé de commerce, mais surtout exprimé nombre de doléances et d'inquiétudes.

La visite de Wen Jiabao est annoncée comme ayant un caractère essentiellement commercial, après les difficiles négociations entre l'Union Européenne et la Chine au sujet des quotas de textiles. Le programme commence d'ailleurs à Toulouse par une visite de l'usine d'assemblage des Airbus A 380, puis d'EADS Astrium, responsable majeur du programme Galileo auquel la Chine participe. Après les rencontres politiques, avec Jacques Chirac et Dominique de Villepin, Wen sera reçu par le Medef. Il prononcera ensuite un discours à l'Ecole Polytechnique, avant de se rendre à Marseille, pour une visite d'Eurocopter, puis du site du futur réacteur de fusion thermonucléaire ITER, programme dans lequel la Chine est partenaire. Il terminera son séjour sur le sol français par une escale à Nice et à Cannes au cours de laquelle il visitera entre autres les locaux d'Alcatel Alénia Space qui doit fournir un satellite de télécommunications destiné à couvrir les Jeux Olympiques de Pékin et participe aussi au programme Galileo.

Pendant son séjour en France, Wen Jaibao doit aussi signer plusieurs accords de coopération, en particulier une convention sur les échanges d'étudiants. Mais on attend surtout de pouvoir annoncer la signature d'importants contrats commerciaux, avions Airbus et trains à grande vitesse en particulier. Il existe aussi de grands espoirs du côté du nucléaire civil, où les besoins chinois sont très importants, mais Pékin a mis une très forte pression sur les fournisseurs français en imposant en cours de négociation une concurrence avec un fabricant américain.

Mais au-delà des échanges commerciaux, cette visite est aussi très révélatrice des lacunes et des demandes de la Chine. Si elle est devenue "l'usine du monde", elle ne dispose pas d'une technologie conforme à ses ambitions. Elle demeure incapable de construire seule un avion de ligne, un train à grande vitesse ou une centrale nucléaire. Elle connaît aussi ses lacunes dans le domaine de la protection de l'environnement, de la santé et bien d'autres. Elle veut faire former ses étudiants dans les meilleures universités occidentales et profiter de transferts de technologie dans tous les domaines. Or les Etats-Unis sont de plus en plus réticents à faire participer la Chine aux avancées les plus significatives, au point même d'imposer des limitations de plus en plus draconiennes aux étudiants et chercheurs chinois ou même simplement d'origine chinoise. Lors de sa récente visite à Pékin, le Président Bush semble aussi avoir été très ferme sur les problèmes de violation de la propriété industrielle et intellectuelle. L'Europe, qui lui semble plus accessible, devient donc une priorité pour la Chine. La France, qui a conclu en 2004 un "partenariat global stratégique" avec elle et manifeste une forte volonté de coopération technologique est donc de plus en plus perçue comme un point d'entrée. La position de l'Elysée sur la levée de l'embargo sur les ventes d'armes, qui ne peut que se traduire par des transferts de technologie, est très appréciée des dirigeants chinois. Tout comme l'ouverture de l'Institut Pasteur de Shanghai et de l'Ecole Centrale de Pékin. Comme aussi l'installation de laboratoires de recherche de France Telecom et de Thomson. Cette volonté française de coopération scientifique a aussi été marquée par la re-création, le 1er septembre 2005, d'un poste de conseiller pour la science et la technologie auprès de l'Ambassade de France en Chine, poste qui avait été supprimé au tout début des années 90.

Ce partenariat privilégié avec la France a aussi pour Pékin la vertu d'améliorer une image de marque qui s'est bien dégradée au cours des derniers mois. Entre délocalisations, contrefaçons, pollutions, accidents industriels, catastrophes dans les mines et autres épidémies de grippe aviaire, quelques rêves chinois se sont brisés. On découvre que "l'immense marché chinois" n'est peut être pas aussi immense qu'espéré. L'ouverture annoncée n'a toujours pas vraiment eu lieu, ou plutôt qu'elle ne viendra pas des dirigeants s'ils ne sont pas forcés à sortir de l'opacité dans laquelle ils tendent à se complaire. On dit que Wen Jiabao est un pragmatique. Sa visite est l'occasion pour lui d'en faire la démonstration.