Une campagne de faible intensité

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(09/10/2001)

Tribune de Genève

INTERVIEW / JEAN-FRANÇOIS VERDONNET

 

L’offensive américaine ne se limite pas à l’Afghanistan: les Etats-Unis livrent une guerre au terrorisme dans le monde entier, affirme le général Jean-Vincent Brisset, directeur de recherches à l’Institut de relations internationales et stratégiques, à Paris.

- Les frappes américaines se déroulent jusqu’ici sans images et sans témoins. Quelle est leur intensité? Quelles cibles visent-elles?
- Il n’y a pas en Afghanistan de cibles militaires importantes. Tout au plus quelques centres de communications, quelques infrastructures souvent en piètre état. Quant au nombre de missiles de croisière tirés dimanche, il ne dépasserait guère la cinquantaine, soit deux à trois minutes de la guerre du Golfe. Nous avons affaire, autrement dit, à une campagne de faible intensité.

- Les opérations se poursuivront sur une longue période, a prévenu le secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfeld. Faut-il percevoir cette prévision comme l’aveu que les objectifs seront plus difficiles à atteindre qu’on ne le suppose généralement?
- Contrairement à ce qui est parfois avancé, je ne crois pas que les Etats-Unis prendront des risques. L’époque est révolue des soldats qui veulent en découdre au sol. Chez les militaires modernes, la bataille de Monte Cassino n’est plus considérée comme un fait d’arme indépassable. Les armées de terre pourront en concevoir une certaine frustration, qui voient encore un conflit se dérouler sans elles. Mais songez à la précision des frappes. Auparavant, on ne savait pas garantir la destruction immédiate d’un objectif précis. Depuis la guerre du Golfe, c’est devenu possible. Lorsqu’un Scud sortait alors de son abri, il fallait vingt minutes pour le viser. Une bombe peut maintenant être expédiée sur une cible située à quarante kilomètres de distance. Voyez aussi l’intervention américaine au Kosovo. Les cibles unes fois définies pouvaient être atteintes dans les quarante-huit heures.

- Les talibans peuvent-ils réserver des surprises aux forces américaines?
- La campagne américaine sera pilotée au jour le jour. L’erreur s’agissant des talibans serait de considérer comme une armée organisée ce qui n’est qu’un rassemblement de clans divers.

- Le dispositif mis en œuvre ne vous paraît-il pas disproportionné?N’y a-t-il pas aussi une part de gesticulation destinée à rassurer l’opinion américaine?
- Les forces américaines ne paraissent démesurées que si l’on perd de vue l’objectif que les Etats-Unis se sont fixé non pas simplement de casser le régime afghan, mais aussi de briser le terrorisme, ses organisations, ses porteurs de valise, ses partisans, partout dans le monde. C’est exactement le programme que l’administration américaine a formulé hier dans un message adressé au Conseil de sécurité de l’ONU. Le comportement des talibans est interprété comme le symptôme d’une maladie plus vaste. Je ne serais pas surpris si des interventions devaient être décidées contre les zones tribales pakistanaises, ou si des attaques étaient lancées aux Philippines contre le groupe Abu Sayyaf.