UNE FRAPPE ECLAIR

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UNE FRAPPE ECLAIR ...

1 UNE FRAPPE ECLAIR

Des salves de missiles ou des raids de l'US Air Force viseraient des camps d'entraînement d'Oussama ben Laden, en Afghanistan, dans la région de Khost. Ce " scénario d'attente ", préalable à une opération de vaste envergure, pourrait être, dit-on, imminent. " Cela n'aurait pratiquement aucune efficacité sur le plan antiterroriste, mais les caméras de CNN pourraient montrer des colonnes de fumée. On apaiserait ainsi le désir de revanche de l'opinion ", analyse, sceptique, Jean-Vincent Brisset, ex-officier de haut rang, chercheur à l'Institut de recherches stratégiques (Iris). La participation de la France ? Elle ne serait pas automatique. D'abord, les Américains ont parfaitement les moyens de mener seuls ce genre d'opération. D'autre part, Chirac a souhaité une " concertation " sur le choix des objectifs et les " modalités d'une action ". Il exigerait que les civils ne soient pas visés par les bombardements. Si cette condition était remplie, il est acquis que la France apporterait (au moins) sa coopération technique. " On pourrait fournir des cartes ou des renseignements, et faciliter, le cas échéant, des ravitaillements en vol ", indique un ancien pilote de l'armée de l'air. Pas question de répéter l'épisode de 1986, où le président Mitterrand avait interdit le survol du territoire aux F 111 américains qui avaient décollé d'Angleterre pour aller bombarder le palais de Kadhafi à Tripoli (Libye).

2 INVASION DE L'AFGHANISTAN

Si le pays des taliban reste la cible principale, l'envoi d'un corps expéditionnaire massif, style guerre du Golfe, paraît peu probable. Washington enverrait plutôt une " task force ", quelques milliers de soldats commandos qui donneraient la chasse aux hommes d'Al Qaïda (la Base), le réseau de Ben Laden (de 5 000 à 8 000 combattants), avant de se retirer très vite. Car aucun militaire n'a oublié l'enlisement des Soviétiques dans les années quatre-vingt : l'Armée rouge avait perdu 15 000 hommes face aux moudjahidine. Atouts de l'armée française ? La réponse de Jean-Vincent Brisset : " Sur un pareil terrain, on pourrait faire appel à nos capacités en matière de reconnaissance et d'infiltration en profondeur en territoire ennemi, comme ce fut le cas en Irak. " Un tel scénario comporterait des risques pour les troupes alliées. Mais les Américains ont déjà annoncé qu'ils étaient prêts à renoncer à la doctrine " zéro mort ". Du côté de l'état-major français, on rappelle que l'armée est désormais " entièrement composée de professionnels ". L'époque de la guerre du Golfe, où il avait fallu " désosser " des régiments pour éviter d'intégrer des appelés dans la division Daguet, est révolue. " Aujourd'hui, les 136 000 professionnels de l'armée de terre peuvent tous être projetés sur un théâtre d'opération ", souligne le colonel Baptiste.

3 LA "GUERRE TOTALE"

C'est le scénario le plus vraisemblable, celui, a dit Bush hier, d'une " bataille différente, en fait une série de batailles ". Une guerre contre le terrorisme sur tous les fronts (policier, militaire, financier, diplomatique...), parfois " menée au grand jour " et " parfois secrète ". Concrètement, il s'agirait, sur le plan militaire, d'actions " coups de poing " menées, dans différents pays, contre des personnalités suspectes ou des bases terroristes. Visés : l'Afghanistan évidemment, les Philippines (groupe Abou Sayyaf), le Soudan, la Syrie, la Libye. La liste n'est pas exhaustive, et engloberait tous les Etats censés abriter (volontairement ou non) des groupes terroristes. Le rôle de la France ? " En matière d'opérations spéciales, nous avons un passé flatteur ", estime Jean-Vincent Brisset. Du parachutage de la légion sur Kolwezi (ex-Zaïre) à l'assaut du GIGN contre l'Airbus " capturé " par le GIA algérien à Marseille-Marignane (1994), en passant par la libération des otages de La Mecque (1979), les faits d'armes ne manquent pas. Sans compter les opérations secrètes. Exemple : l'" élimination " par les services spéciaux des assassins présumés de l'ambassadeur Louis Delamare en 1981 au Liban. Problème : tout indique que cette guerre-là sera à la fois longue et discrète. La difficulté : " communiquer " auprès d'une opinion qui veut des résultats rapides et spectaculaires.

Jean-Vincent BRISSET
Chercheur associé de l'IRIS

Henri Vernet - Le Parisien - 20/09/2001