La fuite

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Al-Qaida et les talibans condamnés à la guérilla

Oussama Ben Laden et mollah Omar pourraient aussi opter pour une fuite vers le Pakistan.
Eric Jozsef

Avec la chute de Kaboul, la guerre s'est déplacée depuis mardi soir dans le sud-est du pays, les provinces limitrophes du Pakistan se transformant en sorte de réduit taliban. Hier soir, les responsables de l'Alliance du Nord affirmaient s'être emparés de la grande ville de Kandahar, le fief du mollah Omar. Ce que s'empressaient de démentir les «étudiants coraniques». Une chose est sûre: la bataille a changé de nature et la traque de Ben Laden est entrée dans une phase nouvelle. Les talibans ne peuvent plus compter que sur un éventuel combat de guérilla dans certaines vallées des régions montagneuses de Paktika, Paktia, voire Zabol ou encore dans les zones tribales frontalières avec le Pakistan. «Une contre-offensive est exclue», avance Jean-Vincent Brisset, spécialiste des questions militaires auprès de l'institut Iris, «les talibans devraient pour cela se regrouper. Ils seraient alors impitoyablement bombardés par les B-52 américains».
A Mazar-i-Charif, à Kaboul comme dans les autres cités septentrionales du pays, les talibans ont préféré abandonner le terrain plutôt que de tenter de tenir des positions massivement pilonnées par l'aviation américaine. Les experts estiment qu'environ les deux tiers des soldats d'Omar ont profité de la confusion pour faire défection malgré les appels du mollah invitant ses hommes à «se regrouper, résister et combattre». Environ 15 000 d'entre eux auraient néanmoins choisi de fuir vers le sud et seraient encore décidés à poursuivre la lutte, en particulier les quelques milliers de volontaires arabes et pakistanais qui n'ont plus rien à perdre. Avant de quitter Kaboul, ils auraient emporté avec eux une bonne partie de leur armement. Les talibans comptent sans doute sur la bienveillance de la population des provinces du sud-est, d'origine pachtoune comme la plupart d'entre eux, pour bénéficier d'une protection que les Afghans du nord et de l'est, (Ouzbeks, Tadjiks et Hazaras) leur avaient ôtée. Au-delà, les soldats de mollah Omar auront la possibilité de passer aisément au Pakistan, à travers une frontière extrêmement poreuse. Depuis toujours, les contrebandiers sont passés par la région de Paktia, souvent à dos de dromadaires. A terme, les talibans pourraient aussi tenter d'impliquer le Pakistan pachtoun dans une sorte de conflit ethnique. En attendant, ils devraient s'installer dans ces vallées où il sera difficile de les déloger. En dix ans d'occupation, les Soviétiques n'ont jamais réussi à y imposer leur ordre.
«Traquer les responsables d'Al-Qaida revient à trouver une aiguille dans une botte de foin», a rappelé hier le secrétaire américain Donald Rumsfeld. De toute évidence, Oussama Ben Laden peut lui aussi s'abriter dans des grottes ou des bunkers souterrains. Mais il va lui être de plus en plus difficile de se déplacer. Qui plus est en prenant le risque d'être lâché par la population afghane. «Je suis convaincu que quelqu'un finira par le dénoncer», a d'ailleurs déclaré hier le ministre britannique de la Défense Geoff Hoon alors que les Etats-Unis ont mis cinq millions de dollars sur la tête de l'auteur présumé des attentats du 11 septembre. «Aujourd'hui, il n'a plus qu'un choix», soutient de son côté Jean-Vincent Brisset: «fuir le plus vite possible».